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Les Provinciales
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La condition des Juifs et des chrétiens sous l'islam : la connaissance historique du « dhimmi » a pu être une découverte, un sujet de controverses, le mot est devenu une sorte de lieu commun politique et social trop rarement et peu rigoureusement défini. Or en prétendant conférer une forme définitive à l'ordre social, l'islam a employé pour cela une forme juridique qui donne à sa doctrine tout entière « une fixité qui fait que son étude historique est essentielle » (Jacques Ellul). Connaître, ici, ce n'est donc pas seulement connaître l'histoire, mais c'est aussi l'anticiper, comprendre le présent et discerner l'avenir des « dhimmi ».
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La seconde guerre d'indépendance d'Israël : 7 octobre 2023 ; Effroi et résilience
Richard Darmon
- Les Provinciales
- 18 Octobre 2024
- 9782912833860
« Pour nous, Israël est une villa dans la jungle », avait déclaré il y a quelques années lÂ'un des meilleurs experts israéliens du Moyen-Orient. « Nous voulons protéger notre villa, mais aussi faire de la jungle un milieu moins hostile... » Il ne se trompait pas, car la jungle a bel et bien attaqué sept ans plus tard la villa israélienne, par surprise et de manière féroce, ce 7 octobre 2023. Après des mois de profondes divisions en Israël sur la réforme judiciaire, ce surgissement et lÂ'énorme mouvement de mobilisation et de solidarité qui lÂ'a accompagné portent en eux les germes dÂ'un véritable renouveau politique et institutionnel qui pourrait changer le visage dÂ'Israël et de la région.
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Ceux qui avaient choisi est une des premières pièces de théâtre de Charlotte Delbo, écrite en 1967, et restée longtemps inédite peut-être par une sorte de pudeur, parce qu'elle s'y livrait trop, et aussi à cause d'une sensibilité politique exacerbée. Mais cette pièce est aussi un acte de bravoure dramatique, car cette scène appartient au passé : l'action se situe vingt ans après, à la terrasse paisible d'un café d'Athènes... où Françoise fait la rencontre d'un homme, un Allemand, Werner. C'est la réminiscence de cette scène, sa résonance décisive sur le présent de cette femme élégante et délicate mais qui connut d'un peu trop près la dureté de la vie, qui sont représentées. Celle qui fut la collaboratrice de Louis Jouvet avant et après Auschwitz exploite ici, une fois de plus, l'art qu'elle en avait appris : pour décrire comment se détermine une volonté. Deux personnages s'affrontent avec courtoisie : cette résistante déportée élégante mais armée de la connaissance inutile si chèrement acquise en face de la cruauté des hommes et trop souvent de leur faiblesse, et un universitaire allemand, spécialiste de la Grèce classique et donc symbole vivant de tout l'amour allemand du savoir et de l'ordre de l'intelligence qui célébra le nazisme - donc échoua devant lui. Werner, qui fut aussi un quelconque officier de la Wehrmacht à Athènes pendant la guerre, utilise cette passion pour l'Antiquité à la fois pour justifier sa passivité ou son aveuglement (notamment à l'égard de la condition des Juifs) pendant les années trente et quarante et aujourd'hui la mélancolie d'une vie exempte de risque mais non pas de privilèges. AUTEUR Charlotte Delbo (1913-1985) a été, après Jean Anouilh, l'assistante de Louis Jouvet au théâtre de l'Athénée. Étudiante en philosophie à la Sorbonne et membre du parti communiste, elle s'engage, avec son mari Georges Dudach dans le « groupe Politzer » qui publie Les Lettres françaises. Arrêtés en mars 1942, celui-ci sera fusillé au Mont-Valérien et elle déportée à Auschwitz puis à Ravensbrück.
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Le chemin de Jérusalem : une théologie politique
Shmuel Trigano
- Les Provinciales
- 11 Avril 2024
- 9782912833808
Comment et pourquoi le sionisme a-t-il fait revenir un État juif sur la scène de l´histoire si c´est pour qu´il devienne un État «?comme les autres?»?? Et pourquoi malgré tout «?l´Éternité d´Israël?» s´annonce paradoxalement dans cette entreprise?? En s´appuyant sur la pensée biblique et sur l´histoire pour éclairer la crise politique et militaire des derniers mois en Israël, ce livre s´efforce de comprendre et résoudre cette contradiction en imaginant un deuxième âge du sionisme, qui porterait à son terme l´espérance que les réalisations et avant tout la résurgence d´un État juif -?dans un fracas mondial vingt siècles après sa disparition?- auront suscitée. Revenant aux fondamentaux prophétiques du «?retour à Sion?», dans sa promesse universelle autant que singulière, Shmuel Trigano défriche dans ce livre le chemin embroussaillé qui mène «?de Sion à Jérusalem?», dans une perspective qui ferait d´elle le point de convergence des peuples de l´humanité.
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On ne devrait pas chercher à comprendre la peinture abstraite ? Aucune Å«uvre ne saurait se passer de son interprétation, répond Ghislain Chaufour, la justification étant le but ultime de l'homme. C'est pourquoi l'herméneute réalise par gratitude une Å«uvre d'hommage, d'intelligence et de louange... Éternel exilé juif, Rothko connut la gloire avant de se donner la mort à New York en 1970. « Il a dicté ses éblouissements aperçus dans la splendeur et douleur, puis est mort d'épuisement. » Dans ce livre la littérature et la philosophie situent sa peinture au sommet d'une construction rigoureuse : « La perfection et beauté s'atteint dans les mathématiques pures, le sublime et la perfection dans les Å«uvres musicales purement spirituelles , et la perfection picturale dans l'abstraction », lorsque le peintre délaisse tout motif physique d'imitation en faveur du seul « sujet pictural ». Qu'est-ce que cela veut dire ? « Chez Rothko le divin se voit, et sans le moindre avertissement », voilà tout.
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Hirsh est un avocat célèbre de New York, dont les clients appartiennent au gotha des stars internationales. Il professe cet humanisme bon teint qui n'enlève rien à la somme de ses honoraires et de ses conquêtes sexuelles. Mais son égotisme assez désolant est chamboulé quand il se trouve embarqué en Israël dans les difficultés de son fils, arrêté brutalement après des attentats et accusé par les Services secrets d'avoir pris part avec son groupe de jeunes sionistes religieux à des représailles meurtrières contre un village arabe. Le récit conduit comme un film d'action ressemble parfois à la série israélienne « Fauda », mais nous assistons à la graduelle et intime transformation de Hirsh au contact de cette terre mystérieuse et dérangeante...
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Massacre des innocents ; scènes de ménage et de tragédie
Fabrice Hadjadj
- Les Provinciales
- 14 Février 2019
- 9782912833570
Mystère des saints Innocents : La joie de la Nativité est immédiatement suivie de l'horreur de l'extermination. Comment celui qui apporte la paix peut-il inaugurer son règne par un carnage ? C'est comme si la foi portait avec elle sa radicale remise en cause. À quoi tu joues, mon Dieu, C'est-y comme ça qu'on exauce les prières ? La destruction des enfants de Bethléem par Hérode le grand, non juif établi sur le trône par l'occupant romain et qui se sent menacé par la naissance du Messie et vrai Roi d'Israël... évoque les horreurs modernes de l'extermination. AUTEUR Moins dogmatique sur la scène que dans ses essais, Fabrice Hadjadj montre dans son théâtre la force d'une parole plurielle au cÅ«ur des tensions entre Juifs et chrétiens, histoire et vie intérieure, foi et défi de l'extermination.
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LÂ'année 2011 commence par la Foire du livre de Brive-la-gaillarde : « règne de la quantité, paraître, frivolité, narcissisme, insignifiance... Prostitution. » Mais lÂ'écrivain nous donne aussi, en temps réel, lÂ'écho que ce spectacle produit dans le théâtre intérieur : la détresse de lÂ'âme devant la frivolité et le narcissisme et les efforts insensés quÂ'elle fait pour y échapper en recréant par des phrases une forme compatible avec lÂ'esprit humain : lÂ'écriture vraie. Cet âpre exercice sera mis à mal par le déclenchement un peu plus tard de « lÂ'affaire Richard Millet », qui conduit lÂ'éditeur de deux Prix Goncourt (Jonathan Littell en 2006 et Alexis Jenni en 2011) à être évincé de chez Gallimard et de toute présence dans la presse et dans le monde de lÂ'édition, après la publication, le 24 août 2012, de « Langue fantôme, suivi dÂ'Éloge littéraire dÂ'Anders Breivik »...
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Philosophie de l'antisémitisme ; que signifie haïr les Juifs au XXIe siècle ?
Michaël Bar-zvi, Pierre-André Taguieff
- Les Provinciales
- 24 Octobre 2019
- 9782912833594
« Écrire une philosophie de l'antisémitisme au-delà de la tentation politique impose à un Juif de notre terrible siècle un défi sans pareil. La présence du phénomène est telle que les philosophes eux-mêmes n'ont pas su toujours résister aux captieuses questions, ni même aux promesses de lumière. Le Juif n'est plus Satan dans l'obscurité, mais la nuit elle-même. De Dreyfus à la dictature des pétrocraties, Jacob devenu Israël par sa victoire sur l'Ange ne parvient pas à maîtriser son diable?: l'antisémitisme. Sans quitter jamais l'esprit de l'homme moderne, il devient système, aventure horrible ou parole. Nulle philosophie n'est possible aujourd'hui hors des limites tracées par les expériences totalitaires. L'holocauste assure la continuité à l'ère de l'inflation et des ordinateurs.
Comme si les grands chiffres de la "crise"avaient conçu à l'avance une théorie du charnier et de la tyrannie dans laquelle la haine doit trouver son «compte». Économie de la persécution diraient nos actuels sophistes. Pourquoi porter préjudice à l'histoire de quelques erreurs de calcul?? Si l'antisémitisme n'est qu'un des visages de la bêtise, de l'hybris ou de la bestialité, comment expliquer l'odieux itinéraire qui mène la nation juive de l'émancipation à Auschwitz, à travers le siècle du pacifisme et de l'ennui?? Combien de temps nous faudra-t-il pour raconter à nos enfants que l'idée du bonheur a conduit le peuple à la nuque raide du Sanhédrin de Bonaparte aux Viatlags?? » Michaël Bar-Zvi, Philosophie de l'antisémitisme « L'oeuvre secoue, dérange. Son auteur a l'audace de distinguer entre les formes diverses de l'antisémitisme, de diagnostiquer les dernières venues, de proférer (d'un ton calme, avec un humour presque trop secret) des vérités désobligeantes... » Pierre Boutang « Plénitude et pertinence de la réflexion, excellence de l'écriture. » Emmanuel Levinas «Nourri d'une immense culture, Michaël Bar-Zvi est allé à l'essentiel, sans se soucier de respecter une quelconque orthodoxie. » Pierre-André Taguieff
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« Je vais où me portent mes phrases. » Richard Millet achève la longue quête vers l´origine dans laquelle il s´est lancé le jour où il commença d´écrire la première ligne de son oeuvre si décisive aujourd´hui. Cette autobiographie de ses vingt premières années, que ne couvrent ni son Journal ni son oeuvre romanesque, n´est pas un livre de confessions, quoiqu´il arrache « les vieux masques », y compris celui de l´homme « qui pose, inévitablement, en écrivant » et se situe dans l´exacte ligne de saint Augustin - mais c´est une quête pour découvrir « l´origine de ma sensualité ». Cette sensualité excessive, vécue presque comme une damnation, l´écrivain la rattache à un manque initial d´amour et à une sorte d´envoûtement paternels, qui auraient produit ce qu´il appelle sa « maladie ». La forteresse intérieure construite et consolidée pas à pas l´en protège mais elle en est aussi le produit - tout comme ce grand livre enfin écrit, « la baleine blanche de mon entreprise littéraire ».
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Après les années d'apprentissage et les premiers succès, c'est l'homme mûr que ce 4e tome du Journal nous découvre : Richard Millet continue son exploration intérieure en déroulant la période la plus prestigieuse de l'écrivain dont tous les livres sont désormais publiés chez Gallimard et qui entre au comité de lecture de cette maison. Mais ces années (2003-2011) ne sont pas les plus heureuses, puisqu'il ne croit pas à ces prestiges et que sa lucidité donne au contraire à son regard sur les cuisines de la pauvre littérature dont notre siècle est capable une acuité qui lui sera fatale. « Depuis le début, élu au comité, cela ne semble être qu'un malentendu. » Il verra son « sentiment de la langue » se changer en malaise et sa répugnance à l'égard du milieu éditorial parisien mener à sa fatale éviction. « L'anecdote a, dans mes cahiers, une valeur politique », écrit-il et ici en effet, « chez Gallimard », c'est « la banque centrale » qui produit elle-même la « fausse monnaie ».
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Joseph Mendelevich est né à Riga (Lettonie) en 1947. Avec Mark Dimshitz, ancien chef d'escadron de combat juif expulsé de l'armée rouge, il a tenté de prendre le contrôle d'un avion civil russe, en juin 1970, pour fuir le régime soviétique. Arrêtés à l'aéroport par le KGB avant d'avoir pu mener à bien leur opération, ils furent accusés de haute trahison, passible de la peine de mort, avant que sous la pression internationale la peine soit ensuite commutée en quinze années de goulag. Devenu rabbin en Israël, figure charismatique du sionisme religieux, Mendelevich a voulu résumer dans ce livre, à travers une série d'anecdotes très significatives, sa découverte progressive dans l'adversité des principes de la vie juive : « On peut dire que mon livre est un manuel pour la nouvelle génération : comment être juif, comment être un homme. » En effet « la providence du Dieu d'Israël ne se limite pas au domaine spirituel », aucun aspect de la vie ne saurait être laissé à l'abandon.
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Le dhimmi ; profil de l'opprimé en Orient et en Afrique du nord depuis la conquête arabe
Bat Ye'or
- Les Provinciales
- 25 Janvier 2018
- 9782912833501
Réédition du fameux livre de Bat Ye'or, « ouvrage de référence sans équivalent » (Le Monde) qui fit émerger le dhimmi du néant silencieux de l'oppression et des génocides, et l'inscrivit peu à peu dans la conscience historique et le langage politique courant.
Les islamologues avaient pris l'habitude de définir les juifs et les chrétiens sous l'islam comme des minorités religieuses. On ne disait rien de leur origine, or ces populations représentent les restes des peuples ethno-religieux antérieurs à l'islam, autrefois majoritaires dans leur pays.
Une fois leur territoire conquis par le jihad ces populations étaient soumises à une sorte de pacte qui devint vite un statut imposé et infamant, la dhimma : la « protection » islamique s'exerçant dans un contexte de guerre ininterrompue, la condamnation à mort sanctionnait le refus de se soumettre. Ce fut la dhimma qui assura le succès de la politique d'arabisation et d'islamisation. Son abrogation au XIXe s. sous la contrainte de l'Occident n'a sans doute pas modifié les doctrines et les représentations musulmanes en profondeur.
Réduits à un état de subordination, de vulnérabilité et de dégradation extrême, toute critique de l'oppresseur étant blasphématoire, ces peuples dhimmi traversèrent les siècles avec une telle discrétion que l'histoire en conserva difficilement les traces. Peuples sans passé, ils étaient aussi des peuples sans droits, incarnant une condition de non-existence et d'injustice permanente.
Dès la parution de ce premier livre, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz et Jacques Elul dans Le Monde avaient souligné que Bat Ye'or, « en parlant d'une façon scientifiquement irréfutable, des opprimés dans la civilisation arabe et musulmane », prenait « le contrepied d'une mode tendant à présenter l'islam comme le carrefour de toutes les tolérances, face à un Occident naguère encore impitoyable pour les minoritaires ». Le Dhimmi révélait aux juifs et aux chrétiens orientaux leur propre histoire, qui pour la plupart l'ignoraient.
Cette ignorance et leur situation de peuple-otage les avaient incités à se faire les porte-paroles en Occident de leurs oppresseurs et à oeuvrer à leur propre destruction, dont les derniers épisodes sanglants ont fini par nous interpeler. Mais dans les années soixante-dix, Bat Ye'or découvrait « cet énigmatique personnage, le dhimmi, surgit de ses linceuls d'histoire » : « À mesure que j'éclairais ses diverses facettes, s'éveillaient simultanément contre moi des attaques et des vindictes exprimées jusqu'en 2010 quand le gouvernement de l'Etat Islamique, fort opportunément venant à mon secours par le rétablissement de la charia, confirma tous mes écrits. » En rassemblant pour la première fois sous ce titre une réalité historique refoulée et niée ce livre expose le dhimmi dans sa réalité humaine et non dans la vision de son oppresseur qui le déshumanisait pour l'asservir. Aujourd'hui, on se rend mieux compte de son caractère politique explosif. Alors que les médias et l'élite culturelle vilipendaient le racisme et le colonialisme, et se confondaient en témoignages d'admiration pour l'islam, ce livre mettait au centre d'une histoire de treize siècles sur trois continents, le dhimmi juif, chrétien, ou autre colonisé par les Arabes, dans ses vêtements d'opprobre.
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Pour une politique de la transmission ; réflexions sur la question sioniste
Michaël Bar-zvi
- Les Provinciales
- 7 Avril 2016
- 9782912833440
Le sionisme est devenu la question centrale de la pensée politique contemporaine, sa pierre de touche ou d'achoppement. Son rejet a pour prétexte et pour effet une critique en profondeur de la transmission. Impliquée dans un combat idéologique sans merci, l'Europe se démunit de son héritage et refuse d'assumer son origine spirituelle, laquelle démontre précisément un lien « ?gênant? » avec Israël. Face aux chantages et aux charges d'irrationalité et d'ignorance, elle se déchristianise, se déjudaïse et nomme cette normalisation « ?laïcité? », « ?modernité? », voire « ?humanisme? ».
Le sionisme à l'inverse n'a cessé de puiser dans le passé d'un peuple singulier la force de reprendre sa place dans l'histoire. Revenir, exister et même progresser, ce n'est pas échapper au danger en se renonçant, c'est transmettre, parfois au prix de la vie? ; ce n'est pas rompre avec un héritage obsédant, ni en être le gardien résigné ou craintif - mais se montrer capable de le métamorphoser en pulsion de vie.
Retourner dans l'histoire fera toujours courir le risque de se faire broyer par elle, mais ce qui rend si puissamment entraînante et dérangeante la rédemption nationale d'Israël aujourd'hui, c'est savoir que je ne suis pas le premier et peut-être pas le dernier. Ce « ?profond exister? » (Pinsker) a permis de concilier l'idée de sacrifice avec le précepte fondamental du judaïsme? : « ?Tu choisiras la vie? ». Le judaïsme n'est pas une identité ou un carcan, mais la liberté de répondre à l'injonction de transmettre? : « ?le monde est suspendu au souffle des enfants à l'écoute de leur maître? », dit le Talmud, et le sionisme a maintenu cette transmission par des moyens nouveaux - la politique, la guerre - tandis que l'Europe s'exilait avec effroi d'elle-même. Levinas avait bien vu pourtant ce qui devrait apparaître plus clairement désormais? : « ?Nous sommes tous des Juifs israéliens? ». appelés à transfigurer le feu dévorant et vengeur en muraille protectrice. Car comment rester une nation sans souveraineté? ? Et sans peuple ni langue ni mémoire commune, comment avoir un horizon? ? Une culture n'est pas un ministère pour les loisirs mais notre ressort vital, et l'éducation à l'histoire et à la vérité connue n'est pas une option mais un axe de défense stratégique. Le sionisme concentre aujourd'hui toutes les attaques contre l'idée de transmission. Au carrefour de toutes les détestations démocratiques ou totalitaires il proclame seul que la politique pourrait encore sauver.
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En 1949 le diplomate retraité Paul Claudel voulut célébrer la création de l'État d'Israël en extrayant cent pages assez brûlantes de l'Évangile d'Isaïe à laquelle il travaillait :
« Tout de même c'est arrivé ! c'est arrivé sous nos yeux et cela sent encore, cela fume encore ! » Alors que les armées arabes et juive viennent à peine de cesser le feu, à un moment où l'on ne s'apitoie guère sur la tribulation de rescapés des « infatigables cheminées d'Auschwitz », où le principe d'un nouveau concile et la responsabilité de l'antisémitisme chrétien sont encore peu évoqués, quarante ans avant la reconnaissance de l'État juif par l'Église, Claudel veut célébrer « ce perpétuel Mercredi des Cendres » dont « Israël a fait son habitation » : « Je songe à ces flocons de suie humaine répartis par les quatre vents à tous les peuples d'Europe ».
Avec la franchise un peu rugueuse qui caractérise le grand poète, il évoque « la promesse à Abraham » et « Israël par sa seule force reprenant possession de la terre de ses pères, refoulant les occupants, reconnu comme une nation autonome » car : « Ici tu es chez toi. Il n'y a pas prescription. Il n'y a jamais eu un acte juridique pour te déposséder ».
« Leur retour à la Terre promise n'a pas eu le caractère d'un accident, écrit-il, mais d'une nécessité. Il n'y avait pas profanation idolâtrique du véritable Israël que nous devrions être, nous chrétiens ».
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A l'instant élu la communauté tout entière, par l'effet de l'universelle agression qu'elle a subie, peut être capable de consentir à la décision, d'initier un nouvel âge héroïque. Il ne sera certes pas celui des philosophes, nouveaux ni anciens. Les philosophes, s'ils se délivrent de leur préjugé que l'Esprit doit être sans puissance et que tout pouvoir est mauvais, y pourront jouer un rôle moins absurde, finalement, que celui de Platon à Syracuse. Quant aux spirituels, c'est l'un d'eux, Martin Buber, qui prophétisait la bonne modification du pouvoir en un nouvel âge : Je vois monter à l'horizon avec la lenteur de tous les processus dont se compose la vraie histoire de l'homme, un grand mécontentement qui ne ressemble à aucun de ceux que l'on a connus jusqu'ici. On ne s'insurgera plus seulement, comme dans le passé, contre le règne d'une tendance déterminée, pour faire triompher d'autres tendances. On s'insurgera pour l'amour de l'authenticité dans la réalisation contre la fausse manière de réaliser une grande aspiration à la communauté. On luttera contre la distorsion et pour la pureté de la forme, telle que l'ont vue les générations de la foi et de l'espoir. Un nouveau Moyen Age comme l'ont entrevu Berdiaeff et Chesterton. Les ricorsi ne sont pas de pures répétitions ni même de simples renouvellements. Sûrement : une manière de rendre vaine l'opposition de l'individualisme et du collectivisme, telle qu'en usent, pour leurs courtes ambitions, les barbares et les freluquets. L'âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n'est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche... AUTEUR Philosophe, théoricien politique et romancier, homme de la trempe d'un Jünger, Pierre Boutang (1916-1998) fonda et dirigea de 1955 à 1967 La Nation Française, hebdomadaire dans lequel il écrivit chaque semaine ses Politiques. Puis il publia notamment Ontologie du secret (1973), Le Purgatoire (1976), Reprendre le pouvoir (1978), Maurras, la destinée et l'Å«uvre (1984) et succéda à Emmanuel Levinas à la chaire de métaphysique de la Sorbonne en 1976. L'un des plus grands esprits de ce siècle (Le Figaro), auteur d'une Å«uvre multiforme et tempétueuse... d'une force de conviction et cohérence peu communes, et d'une imprudence qui se souciait peu des modes (Le Monde).
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Théologie de la cruauté : Saint Augustin, Sade et quelques autres
Ghislain Chaufour
- Les Provinciales
- 28 Mars 2024
- 9782912833792
En quatre romans obscènes (un tiers de son oeuvre), Sade décrit des destructeurs de dieu, des hommes et du monde, qui ne connaissent que trois contre-valeurs : la haine de Dieu miséricordieux , la haine de lÂ'amour, donc de la femme et de la Création , la cruauté qui tue en infligent dÂ'insupportables souffrances. Les théologies chrétiennes disent que nous disposons toujours des forces permettant de supporter nos épreuves. LÂ'insurmontable et insupportable nÂ'existe pas. DÂ'où ce silence au sujet de la cruauté : mentionnée, jamais étudiée et analysée, réduite à un excès de punition féroce. Or la doctrine de lÂ'enfer perpétuel affirme que les pires cruautés, absolument insupportables, appartiennent à la justice de Dieu miséricordieux. Quant aux laudateurs des romans obscènes de Sade, ils réduisent - avec les psychologues - la cruauté à une orientation sexuelle à laquelle on peut donner un libre cours plaisant. Que révèle la confrontation du Dieu miséricordieux avec la cruauté ?
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2000-2003 : années décisives, naissance de sa deuxième fille, rupture avec POL, fin de sa collaboration avec Balland, arrivée chez Gallimard. Millet séjourne souvent au Liban et en Syrie, et aussi dans sa Corrèze natale. Sur le plan littéraire, il publie Lauve le pur, La Voix dÂ'alto, et, surtout, on assiste à la genèse de son roman Ma vie parmi les ombres (Gallimard, 2003). Le journal fourmille de réflexions sans complaisance sur lÂ'époque, dÂ'anecdotes et de personnages : Paul Otchakovsky- Laurens, Guillaume Dustan, Jack-Alain Léger, Dominique Noguez, Angot, Goffette, Tillinac, Sollers, Wieviorka, Finkielkraut, Camille Laurens, Alice Ferney, etc.
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Israël et la nouvelle question juive
Pierre-André Taguieff
- Les Provinciales
- 15 Juin 2011
- 9782912833242
« Antisionistes de tous les pays, unissez-vous ! » Le conflit israélo-palestinien paraît plus vaste et oppose à des « criminels professionnels » la multitude intrépide des innocents mobilisés. Car s'affirmer « pour la Palestine » c'est se placer dans le camp du Bien : « il n'y a pas de cause plus émouvante », et la vraie religion communiste c'est la lutte finale contre ce dernier racisme : au XXIe siècle le monde sera sans le sionisme. Car comment faire la paix avec cet État supposé raciste, dominateur, intrinsèquement pervers, Israël, et comment faire entendre raison à ce peuple à la nuque raide, qui s'arroge le droit, « sûr de lui-même », au retour seul ? Comment détruire le sionisme sans éliminer tous les sionistes et abolir leur rêve d'une souveraineté juive sur la sainte terre ? « Nous avons libéré la bande de Gaza, mais avons-nous reconnu Israël ? » demande le Hamas, et on connaît la réponse : « pour les Palestiniens la mort est devenue une industrie... » Déjà la Shoah n'est plus qu'un mince rempart idéologique, qui paraît avoir été un mythe odieusement fabriqué pour effacer la mémoire de la Naqba. « Tout redevient possible, tout recommence », et devant la seule nouveauté de l'histoire les « indignés » déjà ne s'émeuvent plus. Dans ce livre magistral, Taguieff donne la leçon ultime : celle qui permet une dernière fois de reprendre ses esprits en contemplant le rêve brisé de l'Occident avant le grand soir. Parce qu'elle nous place devant l'abîme elle nous rend libres, et parce qu'elle ressemble à la vérité elle peut redonner le goût, et peut-être la force, de vivre. Jamais on n'aura été aussi bien renseigné. Le maximum que vous puissiez demander à l'histoire.
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Si le ciel de ce jour vous paraît vide au-dessus de vos têtes, tel un mauvais livre, c'est parce que vous ne regardez pas assez où vous mettez les pieds. Une des plus solides données de la métaphysique est bel et bien la fleur de pissenlit, et un râteau aurait suffi pour sauver Sartre de la Nausée. Y a-t-il plus grand mystère que mon voisin (avec sa serviette,son cardigan et son noeud papillon) ? Or je ne puis, comme Descartes, douter de l'existence de M. Franchon. La foi ni la raison ne se moquent de notre monde, elles ne détournent pas de la terre : elles y font resplendir la vérité. En ramenant la métaphysique de plein droit sur la terre, ce petit livre représente un jalon intellectuel important dans la réappropriation du politique. Dans une première partie, un sol pour la métaphysique, il s'élève avec la sereine poésie du bon sens contre les abstractions délétères qui jettent le trouble au point de nous désespérer du monde et de l'histoire biblique. Dans une deuxième partie, un ciel pour notre patrie, il redonne à la piété envers la terre ses fondements philosophiques et religieux, tout en répondant aux accusations d'idolâtrie du politique, et c'est vers cette terre à la fin qu'il s'abaisse gravement jusqu'à évoquer l'ultime enracinement... « Ora et labora, c'est la devise bénédictine, la devise d'une vie de bénédictions. Prie et travaille. Contemple et laboure. Laboure avec ton âme et contemple avec tes mains. Change l'épée en soc, trace un sillon comme une prière, chante un verset comme une semence, et creuse, creuse toute chose jusqu'à Dieu. »
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Israël et la France ; l'alliance égarée
Michaël Bar-zvi
- Les Provinciales
- 30 Octobre 2014
- 9782912833372
Le sionisme politique moderne est porteur de deux notions primordiales, dont la France pourrait et devrait s'inspirer. La première est que la reconstruction d'une nation n'est possible qu'en acceptant son passé et en transformant cette nécessité en vertu. Le sionisme, même dans ses factions socialistes ou progressistes, a tenu compte d'un héritage, d'une culture ancienne dont la clé de voûte est la révélation. La seconde idée déterminante du sionisme est qu'il a fondé la renaissance juive sur la restauration de la fierté. « Le sionisme politique se souciait principalement de laver les Juifs de leur déchéance millénaire, de retrouver la dignité juive, l'honneur ou la fierté d'être juifs. » Hannah Arendt avait parfaitement analysé la force de ce ressort pour résister à l'individualisme forcené des temps modernes. « Car l'honneur ne s'obtient pas grâce au culte de la réussite ou de la célébrité, en cultivant son propre moi, ni même sa dignité personnelle. Il n'y a qu'une seule échappatoire au déshonneur d'être juif : lutter pour l'honneur du peuple juif tout entier. » Israël et la France ont quelque chose en commun, que les troubles et les secousses de l'histoire ne doivent pas nous faire oublier. Elles ne subsistent que grâce à une fidélité authentique à leurs origines spirituelles, ou à ce que l'on pourrait nommer une tradition, non pas comme un savoir qui se transmet, mais comme l'acte même de transmettre. Israël a une culture, des coutumes, des mÅ«urs - comme la France - mais sa véritable substance se trouve dans sa fidélité à son destin. Le déclin français s'accélère et risque de tourner au chaos. Seul un regard haut vers la nation qui lui fit don d'une part de son élection, et qui, grâce à elle retrouva sa liberté, peut sauver la France d'une défaite morale et d'une dislocation politique. AUTEUR Né en France en 1950, docteur en philosophie (Sorbonne) Michaël Bar-Zvi monte en Israël en 1975 où il devient Professeur de Philosophie à l'Institut Levinsky de Tel Aviv. Philosophe d'une grande rigueur, marqué par ses maîtres Emmanuel Levinas et Pierre Boutang, il a été directeur du Département de l'Éducation de l'Agence juive, et il en a gardé un sens pédagogique élevé et une grande force de persuasion. Détaché de l'Université israélienne, Michaël Bar-Zvi a été dans les années 2000 Délégué général du Keren Kayemeth LeIsraël à Paris. À partir d'analyses historiques rigoureuses, ses livres se sont principalement intéressés aux liens entre la pensée juive et la philosophie politique. Il a publié notamment en français : Philosophie de l'antisémitisme, PUF, 1985 , Histoire de l'Irgoun, Périple, 1987,Le Sionisme, Les provinciales, 2002 , Être et exil, Les provinciales, 2006, La guerre a commencé le 8 mai 1945, Hermann, 2009.
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Après avoir passé la guerre caché au Chambon sur Lignon, Shakin Nir s'embarque en 1947 illégalement depuis Marseille à 17 ans pour la Palestine. Il rejoint l'un des plus ancien Kibboutz et assiste à la création de l'État d'Israël puis prend part à toutes ses batailles comme réserviste. Pendant la guerre de Kippour il est photographe militaire. Par la suite il travaillera comme scénariste (avec Marcel Camus, Menahem Golan, etc.). En France seul son premier livre, Grains du sud, est édité en 1956 par Jérôme Lindon aux Éditions de Minuit , ce recueil de nouvelles rend compte d'une manière très lucide et dans une langue très belle de ce mélange d'idéal, de luttes, de déceptions et de défis qu'est la vie communautaire en même temps agricole et combattante des kibboutz. Mais par la suite les relations de Shakin avec l'édition française se distendent : le problème palestinien déconcerte les anciens amis d'Israël... Ayant refusé d'apprendre le français à ses enfants et à sa femme arrivée de Hongrie à bord de l'Exodus, Shakin Nir a donc gardé sa langue intérieure enveloppée comme une arme d'autrefois à l'abri des injures du temps, elle lui sert à mesurer la moindre inflexion dans l'esprit de ses compatriotes et dans leur idéal endommagé. Son intransigeance ne condamne pas ses compagnons d'aventure démobilisés, au contraire doucement elle les tance, car elle constate que la partie n'est pas finie et que le combat va continuer sans eux sous un mode et avec un idéal à peine modifiés par l'aventure d'un siècle et leur découragement. Le manuscrit de [L'Idéal du Kibboutz] reçoit en Israël le prix du Président avant d'être publié dans une version en hébreu par Yedioth Ahronoth (l'un des principaux éditeurs israéliens) qui veut en faire son livre de l'année. Shakin Nir n'a rien perdu de sa foi et c'est pourquoi, dans le roman, le personnage qui renonce et que l'on retrouve en bas de la falaise n'est pas lui, mais son ombre (ou son double) qu'il laisse un peu comme une peau morte. Un jour d'hiver clair et radieux, un homme monte au sommet d'une falaise et se jette à la mer. La police trouve le corps, ouvre une enquête et le roman démarre avec cette quête d'un mobile dans une histoire cachée... Est-ce que l'époque radieuse des après-guerres elle aussi aura glissé trop rapidement dans un sens absolument imprévu ? Peu importe, car Shakin Nir se sent disposé à vivre une seconde fois : c'est cela l'esprit de transmission peut-être, en tout cas on ne croyait pas les hommes de progrès si doués pour la nostalgie... C'est par la justesse de la mémoire mais une mémoire heureuse, ouverte sur l'avenir que ce roman interpelle : des épisodes épiques du Chambon sur Lignon aux incursions dans le Sinaï, il aura trouvé le goût de vivre libre au grand air et la camaraderie. Une certaine relation à l'histoire explique, dans ses souvenirs, la grandeur et la proximité de ses deux nations. Sans elle que deviennent-elles ? Shakin Nir a hérité d'une langue dont la force et la noblesse furent d'exalter à la fois l'énergie nationale de la terre et la fraternité, mais c'est en apprenant une autre qu'il aura construit un pays neuf et plus ancien à la fois. Le lien que la Résistance et le sionisme des kibboutz, à travers les épreuves de la guerre, ont établi entre les deux histoires se sera laissé distendre, incertain de lui-même, et Shakin Nir le ravive en lui restant fidèle. L'idéal du kibboutz a ainsi traversé la durée d'Israël et c'est donc avec la vieille arme démodée mais qu'il sait bien servir de cette langue qui porte l'empreinte des grands combats français, que Shakin Nir explore le destin suspendu de son peuple, Israël. Pour découvrir comment un de ceux sur qui tant d'espoir et de volonté de vivre s'étaient si longuement appuyés peut arriver si isolé et découragé au dernier jour de son existence, il faut toute la clairvoyance et la finesse d'un cÅ«ur qui ne renonce pas.